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5. LA CAPTURE DE DEUX ACADIENS ET DE TROIS AMÉRINDIENS À BOSTON.

Ce court texte a été rédigé en anglais par le père Clarence d’Entremont et publiés dans le Yarmouth Vanguard le 31 janvrier 1989. Traduction de Michel Miousse


Le Capitaine Joseph Decoy, de Cap Breton, avait un vaisseau grâce auquel il lui arrivait de faire du commerce avec les Bostonnais. Ça se passait vers les années 1720. Sur un de ces voyages il emporta avec lui son fils, qui fut détenu à Boston pour une raison inconnue. Sur le chemin du retour, il fait escale à Merliguesh, maintenant Lunenburg et informe les Acadiens et les Amérindiens de ce qui est arrivé. Il les convainc que le seul moyen de pouvoir retrouver son fils serait de s’emparer d’un des nombreux vaisseaux de Boston qui pêchent aux environs des côtes de la Nouvelle-Écosse et de les offrir en monnaie d’échange contre son fils. C’était le 4 septembre 1726.


Ils n’ont pas eu à attendre très longtemps. Le jour suivant, le Capitaine Samuel Daly, de Plymouth au Massachusetts, lors d’un voyage de pêche, conduisit sa corvette jusqu’au Havre de Mirliguesh* pour aller quérir de l’eau fraîche. John Roberts, un des membres d’équipage vint sur le rivage où il rencontra quelques Français et quelques Amérindiens. Parmi ceux-ci se trouvait Philippe Mius d’Entremont, Jr., fils du Baron Philippe Mius d’Entremont et de Madeleine Hélie. Ils échangèrent des poignées de main et discutèrent de la paix qui venait juste d’être signée entre les Anglais et les Amérindiens. John Roberts invita Philippe Mius d’Entremont Jr., et son fils Jacques à bord de sa corvette pour son retour. Dans le même temps, Daly invitait un autre Acadien, Jean-Baptiste Guidry à faire de même, en compagnie de son fils du même nom. C’était Jean Baptiste Guidry (maintenant écrit Jeddry), 42 ans, fils de Claude Guidry et de Marguerite Petitpas. Il avait épousé Madeleine Mius, fille de Philippe Mius d’Entremont Jr. et de Marie sa femme d’origine amérindienne.


Après une conversation amicale, Daly demande à ses invités de le suivre dans sa cabine pour y boire un coup. Pendant ce temps, Jean-Baptiste Guidry revient sur la rive. Il est bientôt suivi de Daly, de son épouse et de trois membres d’équipage, en plus de Philippe Mius d’Entremont Jr. et de son fils Jacques. Jean-Baptiste Guidry Sr., pour sa part, refusa de quitter la corvette, prétextant qu’il demanderait à son fils de revenir le chercher, ce qu’il fit en s’exprimant en français, du moins c’est ce que pensèrent Daly et ses hommes.


Le fils revint comme prévu à bord de la corvette en compagnie de quelques Amérindiens. Aussitôt à bord, ils mettent à bas le drapeau anglais dont Jean-Baptiste Guidry, Sr. se ceinture la taille pour ensuite y fourrer un pistolet.


C’est à ce moment que les membres de l’équipage restés sur le rivage furent appelés pour un changement de quart. Immédiatement, Daly s’en alla voir Madame Guidry, « la mère de Baptiste » selon certains, donc, Marguerite Petitpas.


Il l’implora de venir à bord avec lui et d’intercéder auprès de son fils pour qu’il puisse récupérer le bateau. Elle consentit finalement à le faire.


D’autres les ont suivis, si bien qu’à bord, en même temps, se trouvaient cinq hommes de la corvette, Jean Baptiste Guidry, son fils, sa mère, Philippe Mius d’Entremont, son fils Jacques et six Amérindiens. Madame Guidry n’eut aucun succès lors de son plaidoyer, au contraire. Les Amérindiens, cette fois, en menacèrent même quelques-uns de leurs machettes. John Roberts atteste que « Philipp Mews » et un Amérindien du nom de John Missel, s’emparèrent de lui et le ligotèrent dans le gaillard avant du bateau. « Philipp Mews lui parla en anglais, l’invitant à boire un verre et à manger de la chair froide. » C’est à ce moment que Jacques Mius le frappa et lui dit qu’il allait le tuer et lui couper la tête, en le traitant de fils de pute. Il lui vola entre autre son anneau d’or.


Jean Baptiste Guidry Sr, semble avoir pris la situation en main. Il ordonna aussitôt à Daly de prendre la mer. C’était un peu avant 8 heures du soir. Ce qui advint de Philippe Mius d’Entremont, Jr, de son fils et de Madame Guidry, n’est pas très clair, parce que le jour suivant, ils n’étaient plus à bord du bateau ; il n’y avait que Jean Baptiste Guidry, Sr, son fils et six Amérindiens, hormis les cinq membres de l’équipage. Fort probable qu’ils quittèrent dans la soirée ou dans le courant de la nuit pour ramener Madame Guidry à la maison, peut-être avec l’intention de revenir le lendemain pour prêter assistance à Jean Baptiste Guidry Sr.


Nous ignorons jusqu’où ils naviguèrent. De son côté Daly et ses hommes n’attendaient que le moment propice pour prendre le dessus sur leurs ravisseurs. Cette occasion leur fut donnée dès le lendemain. Jean Baptiste Guidry Sr, descendit dans la cabine en compagnie de trois Amérindiens, laissant les trois autres et son fils pour surveiller les prisonniers. Mais Daly s’est arrangé pour refermer la porte sur eux et maîtriser le fils et les trois Amérindiens qui étaient sur le pont. Il tira ensuite des coups de feu dans la cabine. Les trois Amérindiens plongèrent à la mer, pendant que Jean Baptiste, Jr, était tenu en échec. En fin de compte, Daly se retrouvait en pleine possession de son bateau.


Daly partit immédiatement pour Boston avec ses cinq prisonniers, les deux Guidry et les trois Amérindiens, dont nous sont parvenus les noms de Jacques, Philippe et Jean Missel, probablement pour Jean Michel ; il se peut qu’ils aient été frères. À Boston, ils furent reconnus coupables de piraterie de haute mer, crime pour lequel la sentence prescrite par la loi était d’être pendu par le cou jusqu’à ce que mort s’en suive. Le procès eut lieu le 15 octobre. Et c’est ainsi que nos deux Acadiens et trois Amérindiens de Mirliguesh furent pendus à Boston le 13 novembre de la même année, 1726.


Le narrateur, le docteur Benjamin Colman, de qui nous tenons cette histoire à travers ses Mémoires, ainsi que la Cour Suprême du Comté de Suffolk à Boston, blâmèrent les Français pour cette conspiration, plutôt que les Amérindiens qui « s’excusèrent en prétextant qu’ils avaient été entraînés par les Français dans d’aussi vilaines pratiques. » Il ajouta par la suite : « À la bonne providence de Dieu… obtenir vengeance pour leur trahison et leur banditisme ; et le gouvernement dans sa sagesse les fit pendre haut et court… tels qu’ils sont tous destinés à mourir selon les lois de toutes les nations. »

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