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Dedaume

Son vrai nom était Guillaume, fils d’Anselme d’Entremont (le vieux Sémi), mais tout le monde l’appelait Dedaume. Il avait épousé Colombe Amirault, une soeur de Charles Amand Amirault, et la famille demeurait dans la partie nord du village de Pubnico-Ouest, tout près de l’ancienne école, maintenant la salle des Légionnaires. La maison avait été bâtie par le père de Sémi qui s’appelait Benjamin (Benjamin à Paul à Jacques II d’Entremont) et elle fut occupée dans la suite par les fils jumeaux de Dedaume, Sam et George. Le Père Clarence d’Entremont nous dit que dans le recensement que le Père Sigogne fit en 1816 celui-ci fait la remarque que la maison à Sémi était la première maison que l’on trouvait en entrant dans le village. La seconde était celle de David d’Eon, grand-père d’Octave d’Eon.


Comme beaucoup d’autres jeunes hommes de son temps, Dedaume fut appelé à faire de l’entraînement militaire lors de la menace des Fenians. Depuis longtemps, en Europe, les Irlandais du sud de l’Irlande cherchaient à se séparer de la Grande-Bretagne, ce qui n’était pas sans causer toutes sortes de troubles entre les deux pays. Or, dans cette lutte, les Irlandais s’étaient attiré la sympathie de leurs cousins d’Amérique qui vers l’année 1858 (ceux-ci étaient surtout établis à New York) organisèrent des unités militaires pour venir en aide à leurs cousins d’outre-mer. Étant donné que le Canada était une possession britannique, les autorités du pays craignirent une invasion et ordonnèrent la mise sur pied d’une milice de réserve. (Les partisans de cette société américo-irlandaise tentèrent en effet une invasion du haut Canada en 1866, mais elle fut vite arrêtée).


Plusieurs années plus tard, le gouvernement canadien décida de récompenser tout ces hommes qui avaient pris part aux exercices d’entraînement en leur envoyant chacun un chèque de cent dollars. Dedaume reçut le sien comme les autres et pour célébrer l’occasion il se rendit, avec quelques-uns de ses voisins, au magasin d’Evée Amirault où depuis quelque temps on pouvait s’acheter de la crème à la glace: une vrai nouveauté. Dedaume ne mangea pas la sienne tout de suite. Il l’emporta à la maison. Le lendemain matin, en sortant dans le village, un de ses amis lui demanda comment il avait aimé son «ice cream», il répondit: «C’avait bon goût, mais après l’avoir fait chauffer deux fois sur le poêle, c’était encore fret au palais».


Dedaume et un autre citoyen du village à peu près du même âge qui s’appelait Alexis Amirault étaient de grands amis. Quand ils se rencontraient, ils se parlaient toujours dans un langage qu’eux seuls comprenaient, ce que l’on pourrait appeler: se parler à demi-mots. Dommage qu’on n’ait pas pu conserver ces expressions si originales.



L’enterrement de Guillaume (Dedaume) et Colombe d’Entremont, morts le même jour, soit le 25 mars 1915. Ils furent enterrés dans la même fosse. L’enterrement fut dirigé par Louis Thaddée Amirault. – Extrait de Les oubliés de notre patrimoine écrit par Roseline LeBlanc (p. 110).

Dedaume était également philosophe à ses heures. Il prenait toujours la vie à pas mesurés. Rien ne l’excitait beaucoup. Un jour qu’on avait mandé le médecin qui n’arrivait pas, Dedaume voulut calmer les esprits en déclarant: «Pas besoin de trop s’inquiéter; si c’est une subite, c’est déjà trop tard; si ce n’est pas une subite, rien ne presse”.


Avez-vous quelquefois su qu’il existait des bottes de géographie? Eh bien, Dedaume en avait une paire. Il parait que dans le livre de géographie du temps, il y avait le portrait d’un Chinois qui portait des souliers avec le bout «viré en l’air». Les bottes qu’avait achetées Dedaume ressemblaient aux souliers du Chinois.


Dedaume et son épouse moururent à quelques heures l’un de l’autre et furent enterrés le même jour dans la même fosse, chacun dans son cercueil. Ils reposent dans le nouveau cimetière à l’arrière de notre église actuelle.

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