top of page

Le rosaire


Chapelet d’Elisabeth, née Thériault, épouse de Simon «square» («Simon Squire»).

En langage acadien, on emploie plutôt le mot chapelet que rosaire pour désigner cette série d’Ave que l’on récite à l’aide de son «chapelet». Les deux sont synonymes, excepté que dans son sens exact le mot rosaire veut vraiment dire le «grand chapelet», c’est-à-dire quinze dizaines, ou trois chapelet dans le sens ordinaire.


À Pubnico, toutefois, le mot rosaire avait autrefois un autre sens également. Il s’appliquait à une coutume religieuse qui, comme bien d’autres, n’existe plus. C’était la prière qui se faisait en commun à l’occasion d’une mortalité. Puisqu’il n’y avait pas de salon funéraire dans les environs, quand une personne mourait le corps était exposé dans la maison où habitait cette personne. Puis, le soir, pour neuf soirs de suite, le voisinage et la parenté se rassemblaient à ce foyer pour offrir conjointement leurs derniers hommages, en «participant au rosaire».


Règle générale, la maison se remplissait à chaque soir. Presque toujours c’était les femmes qui s’occupaient de réciter ces prières — diverses prières pour les morts, y compris le De Profundis, puis les cinq dizaines de chapelet. Souvent une femme récitait les prières et une autre le chapelet-même.


La plupart de ces «ministres du rosaire» ne sont plus avec nous maintenant. La mort les a emportées avec celles pour lesquelles elles priaient si bien. Pour en mentionner que quelques-unes, il y avait, dans la partie nord du village, madame Henri Pothier et Mlle Irène à Cyriacque d’Eon; au centre, madame Charles Amirault, Jessie; au sud, madame Joseph à François d’Entremont. Certaines autres vivent encore, mais au risque d’en oublier nous préférons de ne pas les mentionner ici, excepté pour le cas de madame Edith d’Entremont, veuve de Louis à Armand d’Entremont, qui nous a raconté une petite histoire à ce sujet que nous voulons répéter.


À l’époque qui nous occupe, vivait à Yarmouth une femme d’origine syrienne, dit-on, qui avait l’habitude de passer les villages pour vendre de la petite marchandise. Parce qu’elle avait eu la malchance de se couper des doigts sur une main, on l’appelait, en anglais, «Mary Cut Finger». Dans son grand sac qu’elle portait avec elle, elle tenait divers articles qu’une maîtresse de maison pourrait vouloir, tels que du fil, des aiguilles, du savon, et autres choses pareilles; certains disent qu’elle avait une petite charrette pour porter ce butin. Quand elle était de passage à Pubnico, la plupart du temps elle trouvait à loger chez Armand d’Entremont, demeure de madame Edith d’Entremont et son mari Louis. Disons, en passant, que cette dame vendeuse professait la religion catholique.


Après un certain nombre d’années, la bonne vieille cessa de venir à Pubnico. On apprit, en effet, qu’elle était malade. Un jour que le mari d’Edith allait à Yarmouth, son épouse lui suggéra d’aller voir la malade. Il entra la voir, passa quelques moments avec elle, puis quand il se leva pour la quitter elle l’arrêta et lui dit: «Quand j’allais par chez-vous votre épouse me disait qu’elle disait des prières pour les morts. Alors, lorsque vous entendrez dire que je serai partie je veux que votre épouse récite ces mêmes prières pour moi.» Elle voulait dire le rosaire, bien entendu. «Et dès qu’on apprit la nouvelle de sa mort, Edith se rappelle, je demandai aux femmes d’alentour de se rassembler à l’école et ensemble nous récitâmes les prières du rosaire pour elle.»


< Ce chapelet appartenait à Elisabeth, née Thériault, épouse de Simon d’Entremont de Pubnico-Est, communément appelé Simon «square» («Simon Squire»). On ne connaît pas exactement l’âge de ce chapelet, mais il date au moins de 1875 car la médaille qui y est attachée porte l’inscription suivante: «Anno Santo Giubileo 1875» (Sainte Année de la Jubilée 1875). Mme d’Entremont est décédée en 1891, mais on ne sait pas combien longtemps avant sa mort elle aurait eu le chapelet en sa possession. En tout cas, à un moment ou l’autre avant de mourir elle l’a passé à sa fille Marie-Jeanne, épouse d’Alexis Amirault de ce village, qui à son tour, plus tard, l’a donné à son fils Louis Thaddée Amirault et celui-ci, en dernière main, l’a passé à sa fille Mae, épouse de Stanley Sharkey, des États-Unis. C’est cette dernière qui en a fait don au Musée des Acadiens des Pubnicos et Centre de recherche le 24 août 1979.


Extrait de «Le Chapelet» écrit par Roseline LeBlanc.

bottom of page