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3. SON PÈRE ÉTAIT SON ONCLE.

Ce court texte a été rédigé en anglais par le père Clarence d’Entremont et publiés dans le Yarmouth Vanguard le 17 janvrier 1989. Traduction de Michel Miousse


Durant la première moitié du 19ième siècle, vivait à Sainte Anne du Ruisseau, un mulâtre à qui le père Sigogne lors de son baptême donna le nom de Joseph Quomino, bien que ni son père, ni sa mère n’aient porté ce nom. Pourquoi Quomino ? La seule explication que j’ai pu trouver est qu’il y a plusieurs années de cela, vivait en Jamaïque une personne du même nom, décrite dans les documents comme étant un « noir rebelle », bien que le seul trait commun qui unisse notre Joseph et ce noir rebelle semble avoir été la couleur de leur peau.


Son père s’appelait Anselme Hatfield, mieux connu sous le nom de « Sam », né à New York, fils de Samuel et d’Anne Hatfield. Nous retrouvons cet Anselme Hatfield pour la première fois vers la fin du 18ième siècle à Sissiboo, aujourd’hui Weymouth ; il n’était alors qu’un jeune homme. Nous ne savons pas de quelle façon il est arrivé en Nouvelle-Écosse. Il fut confié aux bons soins de Paul Dugas Jr., qui était sensé s’en occuper en échange de quoi, Anselme Hatfield serait à son service, « à la manière des esclaves. »


À l’âge de 21 ans on lui rendit sa liberté ; le document en faisant un homme libre est daté du premier juillet 1798 et signé par Stephen Jones, Ecuyer., J.P., de Sissiboo, toujours très présent dans les affaires municipales à cette époque, et par John Mc Cullough, Secrétaire à la Mairie de la Commune de Clare ( dont le fils Mathurin, fut le fondateur de Corberrie avec son beau-frère, Germain Corporon). Nous pouvons conclure en mentionnant qu’il est né en 1777, l’année qui suivit la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis.


Le 12 avril 1800, alors qu’il est âgé de 22 ans et demi, nous le retrouvons dans le comté de Yarmouth, quand le père Sigogne lui donne le baptême à l’Église catholique. Sept mois plus tard, le 18 novembre, il épouse à Sainte Anne du Ruisseau, Marie Mius (originellement épelé Muise ou Meuse), la fille de Charles Amand Mius et de Marie Mius. Ce mariage ne fut pas sans créer quelques remous chez les Acadiens ; une fille acadienne qui marie un homme de couleur, ce n’était rien de moins qu’un scandale qui s’est répandu comme une traînée de poudre de maison en maison et de village en village dans ce faubourg tranquille du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Ce qui tend à démontrer que la discrimination n’est pas une invention du 20ième siècle.


Avant que le mariage fut prononcé, le père Sigogne vint en chaire pour réprimander ses paroissiens sur les commérages qui circulaient partout, déclarant qu’une fille de race blanche avait tous les droits au monde de marier un homme de race noire et ce même à l’église catholique, si ce dernier était baptisé, la couleur de la peau ne pouvant en aucune façon constituer un empêchement au mariage.


Pour éviter toute inquiétude, cependant, il fut demandé aux parents de Marie Mius de signer une déclaration par laquelle ils consentaient au mariage de leur fille avec Anselme Hatfield, ce qu’ils firent une semaine avant le mariage en présence de James Lent, à Rivière Tousquet*.


Anselme Hatfield est retourné travailler pour son ancien maître, Paul Dugas Jr., mais cette fois ci en tant qu’homme libre. Il éleva sa famille dans la ville de Clare.


Peu de temps après, Jean Bourque, de Sainte Anne du Ruisseau, demanda à Anselme Hatfield s’il lui était possible de revenir à Sainte Anne du Ruisseau pour l’aider dans son travail pour quelque temps. C’est par la suite, alors qu’Anselme Hatfield était loin de la maison, où il avait laissé sa famille, que Joseph Quomino vint au monde le 15 août 1804. Sa mère était Claire Mius, une sœur de Marie Mius. Elle déclara sous serment que le père de son fils était son beau-frère Anselme Hatfield. Comme Marie Mius, épouse de Anselme Hatfield était la tante de Joseph Quomino, il appert que son père était en même temps son oncle ! Est-ce que les parents essayèrent dans un premier temps de cacher cette naissance au père Sigogne ? Nous n’en savons rien. Quoiqu’il en soit, l’enfant ne fut présenté pour recevoir son baptême que le 26 novembre 1812, alors qu’il était âgé de plus de 18 ans.


Il est à noter ici que Claire Mius elle-même maria en 1806 un homme de race noire du nom de Jean Marie Blanchard, né à Bayonne, en France, qui fut envoyé aux Indes Occidentales* avant d’échouer en Nouvelle-Écosse. Quand ce mariage fut consommé, nous n’avons retrouvé aucun témoignage de chichis de quelque sorte faits à l’endroit d’une fille acadienne qui aurait épousé un homme de race noire.


Pour ce qui est de Joseph Quomino, il s’installa à Sainte Anne du Ruisseau ou dans les environs. Le 17 octobre 1831, à Sainte Anne du Ruisseau ou à Wedgeport, il épousa Mary Elisabeth Andrews, appelée Bessie, de Wedgeport, une noire ou mulâtre dont les origines sont inconnues. Nous connaissons 4 de leurs enfants, trois filles et un garçon, Charles Henri, né le 21 avril 1837, et qui prit le nom de Hatfield. Il épousa le 27 janvier 1858, Léonice Leblanc, fille de Jean de la fameuse famille à Honoré Leblanc, et de Madeleine Doucet. Ils ont vécu sur la route principale, entre Sainte Anne du Ruisseau et Tousquet*, pas très loin de l’église. En ce qui a trait à Léonice Leblanc, qui sans raisons apparentes était appelée « la taupe », les vieux parlaient d’elle avec grande estime, du fait qu’elle était fréquemment à l’église, nettoyant, époussetant, balayant, décorant l’autel, faisant le lavage des vêtements d’autel. Son plus jeune fils, Charles, était connu sous le nom de Bibi de la Taupe, le père étant décédé entre temps.


Les vieux habitants eurent beaucoup d’histoires fascinantes à propos de Joseph Quomino. Il fut un temps où il vendait des bonbons à la mélasse.


Mais ce n’était qu’une couverture pour son commerce de bagosse qu’il trafiquait aux alentours.


Ils évoquèrent spécialement un certain moment où Joseph Quomino faillit être pris sur le fait par Calixte Muise de Belleville, qui agissait alors à titre de constable. Ce qui en fit un événement plus mémorable est le fait que ça se passa à l’église.


Calixte avait essayé plusieurs fois d’appréhender Joseph Quomino, mais ce dernier trouvait toujours un moyen de s’échapper. Ce dimanche en question à l’église, Calixte et Joseph assistaient tous les deux à la messe dans le sanctuaire, ce qui se faisait quand il n’y avait pas assez de place dans la nef. Voyant Joseph assis sur un banc de l’autre côté de l’allée, Calixte se dit voici ma chance. Mais, dans le temps du père Sigogne, personne n’osait quitter l’église voir même son banc avant que le prêtre ne soit entré dans la sacristie après la messe. Ils étaient tous les deux là, un pied dans l’allée, prêt à piquer un sprint jusqu’à la porte, pendant que tous les yeux de la congrégation étaient tournés vers eux, de chaque côté de l’autel se demandant de quelle façon tout ça allait se terminer. Le père Sigogne n’avait pas mis un pied dans le vestiaire, quand Joseph Quomino, plus près de la porte se ruait dehors avec Calixte à ses trousses. Mais Joseph, bien que plus âgé que son poursuivant, réussît à le distancer et s’évada dans les bois, évitant ainsi une autre rencontre avec la justice. C’est bien connu, par contre, qu’il ne fut pas toujours aussi chanceux. Bien qu’il ait eu à payer quelques fois pour ces méfaits, il n’en mit pas fin pour autant à son commerce, même si la prohibition était alors en pleine force.

30. LE PONT QUI ENJAMBE LE CANAL DE L’INDIEN*

Ce court texte a été rédigé en anglais par le père Clarence d’Entremont et publiés dans le Yarmouth Vanguard le 25 juillet 1989. Traduction de Michel Miousse Selon la légende, le nom de ce canal vient

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