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7. VEUVE À 13 ANS, MILLIONNAIRE À 34.

Ce court texte a été rédigé en anglais par le père Clarence d’Entremont et publiés dans le Yarmouth Vanguard le 14 février 1989. Traduction de Michel Miousse


Elle s’appelait Anne Mius d’Entremont, née au manoir de la famille Mius d’Entremont, à la Baronnie de Pobomcoup (Pubnico). Elle venait d’entrer dans l’adolescence lorsque Antoine de Sallien, Sieur de Salliant, un jeune Lieutenant récemment gradé de la Marine française de Port-Royal la demanda en mariage. Il était le fils de Pierre-Paul Sallien, Seigneur de Salliant et de La Laune, et de Françoise d’Assier de Noe, originaire du sud-est de la France. La question se posa à savoir si elle n’était pas trop jeune pour se marier ; les registres de l’église de Port-Royal ayant été détruit par le feu, il n’existait aucun moyen de savoir quel âge elle pouvait avoir, la situation était pour le moins délicate. Mais sa mère intervint en affirmant qu’elle était âgée de treize ans, étant née en 1694 ; sa mère était Anne de La Tour ; son père était Jacques Mius d’Entremont, le plus vieux fils du Baron Philippe Mius d’Entremont. Le mariage eut lieu à Port-Royal, le 18 juillet 1707.


Malheureusement, le mariage fut brisé moins de sept semaines plus tard par la mort d’Antoine de Sallien des suites des blessures qu’il avait reçues le 8 septembre en défendant Port-Royal contre les troupes du Colonel John Marsh de Boston. Ainsi, Anne Mius d’Entremont devint la plus jeune veuve, que l’Acadie ait connue, peut-être même la plus jeune veuve du Canada. L’année suivante, le Ministère en France, écrivait à Subercase, alors Gouverneur d’Acadie, qu’elle ne pourrait recevoir de pension de la marine française, peut-être parce que le mariage n’avait pas duré assez longtemps. Alors, Anne dut retourner vivre au manoir de son père à Pubnico.


Le 12 février 1716, elle se remaria à Louisbourg, à Philippe de Pastour de Costebelle, gouverneur de Cap-Breton et veuf d’Anne de Tours de Sourdeval, de qui il avait eu une fille, Anne-Catherine de Pastour de Costebelle. Ils n’étaient mariés que depuis quelques mois lorsque Costebelle dût quitter pour la France emportant avec lui sa nouvelle femme. Ils arrivèrent en France, à Belle île en Mer, une île non loin des côtes de Bretagne, le jour de Noël. De là ils allèrent sur Paris où, le 11 avril 1717, Anne donna naissance à une fille qui fut nommée Marie-Josephe ; Marie Mius d’Entremont, sœur d’Anne et veuve de François du Pont, Sieur de Vivier et qui était à Paris à ce moment, devint la marraine de l’enfant lorsqu’elle fut baptisée.


Costebelle quitta la France avec sa femme le 9 août de cette même année 1717. Sur le chemin du retour vers Cap-Breton, il tomba malade, tellement malade qu’il sentit qu’il devait dicter ses dernières volontés. Il décéda à Louisbourg, au tout début d’octobre. Ainsi, le second mariage d’Anne Mius d’Entremont ne dura qu’une vingtaine de mois.


Pas plus de deux ans plus tard, le 20 août 1719, Anne Mius d’Entremont se maria pour une troisième fois, à Paris, en l’église St. Eustache, à Laurent de Navailles-Labatut, Frère Supérieur d’Asson, dans le Bearn, au sud-ouest de la France, à la frontière de l’Espagne. Il prit le titre de « Chevalier », « Seigneur », « Baron », « Officier », fils d’Antoine de Navailles et de Dame Madeleine d’Abbadie. Ainsi, Anne de Pubnico, entrait dans une des plus vieilles familles de France, dont les origines remontent au-delà du 10ième siècle, descendant eux-mêmes d’une lignée de rois et de comtes dont l’origine se perd dans la nuit des temps.


Anne avait rencontré son troisième mari quelques mois auparavant, lorsqu’elle rendit visite à son frère Philippe Mius d’Entremont, le troisième du nom, marié à Thérèse de Saint-Castin, fille du Baron Jean-Vincent de Saint-Castin de Castine dans le Maine et, de Marie Pidiwamiskoa, elle-même fille du Grand chef Abénaquis, Madocawondo. Il semble que peu de temps après leur mariage qui eut lieu à Penobscot, Maine, le 4 décembre 1717, ce couple quitta pour la France pour aller s’installer sur les terres de la famille de Saint-Castin, dans le Béarne.


Assez curieusement, pour la veuve d’un lieutenant et d’un gouverneur, Anne semble être allée en France pour demander la charité. Dans les faits, elle fut destituée ; son nom n’est même pas mentionné dans le testament de Costebelle. De plus, la plupart de ses biens, comme ses meubles et même ses vêtements lui furent confisqués, en remboursement des dettes de son mari. Mais, en venant en France, elle reçut bien plus que tout ce qu’elle avait espéré.


Avec sa fille Marie-Josephe de Pastour de Costebelle et Anne-Catherine de Costebelle, elle suivit son mari jusqu’au château de Navailles-Labatut au sud est de la France, à vingt kilomètres est-nord-est de Pau, une des plus grandes villes de cette partie de la France.


Bien que ce mariage ne dura que 9 ans, il fut bien plus long que les deux autres. Laurent de Navailles-Labatut décéda en 1728 ; Anne avait alors 34 ans. Elle hérita d’une fortune considérable, un certain nombre de châteaux, un vaste domaine de plus de 800 âcres de terre, 83 fiefs et établissements féodaux, qui lui rapportaient chaque année des annuités totalisant d’incroyables montants d’argent, plusieurs vergers, spécialement des vignobles, des animaux domestiques, des poules, des pigeons, et bien plus ; même l’église de Labatut lui appartenait. Assez étrangement, ce n’est qu’à ce moment, alors qu’elle était submergée de richesse, que le gouvernement français décida de lui donner une rente de veuve du gouverneur de Cap-Breton, qui s’élevait à 17,000 livres.


Elle eut cinq enfants de son troisième mari, deux garçons et trois filles. Les deux garçons et une de ses filles se sont mariés. Nous connaissons le nom de quelques-uns de leurs enfants et de leurs petits enfants. On m’a dit qu’il y a encore aujourd’hui, dans le sud-ouest de la France plus spécifiquement, des descendants d’Anne Mius d’Entremont de Pubnico, qui prit le nom de « Baronne » – « Madame la Baronne de Labatut. » Sa fille Marie-Josephe (sic) Costebelle épousa un Marquis alors que Anne-Catherine Costebelle se maria à Lyon.


Après être restée veuve pendant 50 ans, Anne Mius d’Entremont de Pubnico, Baronne de Labatut, décéda le 15 octobre 1778 dans un de ses châteaux.


Elle était âgée de 80 ans, avait survécu à trois maris, à un gendre et à un petit-fils qui est mort à Haïti.


Et voilà, c’était l’histoire de la plus jeune veuve d’Acadie qui fut aussi la seule Acadienne millionnaire de son temps.

30. LE PONT QUI ENJAMBE LE CANAL DE L’INDIEN*

Ce court texte a été rédigé en anglais par le père Clarence d’Entremont et publiés dans le Yarmouth Vanguard le 25 juillet 1989. Traduction de Michel Miousse Selon la légende, le nom de ce canal vient

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