Ce court texte a été rédigé en anglais par le père Clarence d’Entremont et publiés dans le Yarmouth Vanguard le 20 novembre 1990. Traduction de Michel Miousse
Quinan doit beaucoup de ce qu’il est à la Rivière Tousquet, son histoire, son importance et même son ancien nom. Elle s’est déjà appelé « Les Fourches* », au pluriel, parce qu’ici s’étendent en trois branches, la Rivière du Haut Tousquet*, la Rivière du Bas Tousquet*, et la Rivière Quinan*. Les Amérindiens appelaient Quinan même « Nictahk, gisna Neoptogoiag », qui veut dire, « où passe la Rivière Tousquet. » « Nigtoiag », quelquefois écrit « Nitctahk », est dérivé de cet autre mot « Niktaouksit », « Tuksiet » pour une courte période, écrit « Tousquechet » sur une carte française de 1656, duquel les Anglais ont fait « Tusket. »
Ainsi c’est Quinan qui devrait être appelé « Tousquet » et non le « Tousquet » d’aujourd’hui. Pour un temps, Quinan fut appelé « Les Fourches Tousquet*. » Après l’arrivée des Loyalistes, les Amérindiens prirent l’habitude d’appeler l’actuel Tousquet « Aglaseawakade » qui est « L’établissement Anglais », auquel les Anglais eux-mêmes ont donné le nom de « Franklin Town. »
La Rivière Tousquet, sur son chemin vers l’océan, coule à travers une série de lacs, quelques-uns ayant été créés lorsque fut construit le système d’énergie électrique de Tousquet dans les années 1920. Le « Oas Pag » (brillant) des Amérindiens ou « St-Jean » des Français se sont doublés pour devenir le « Wilson » et les « Bennetts. » Après avoir brossé le «Lac King », la rivière entre dans le «Lac Gavel » anciennement le « Lac Coven », le « Gigsepag », des Amérindiens. Ces deux lacs, le King et le Gavel, ont déjà formé le « Lac Butler », anciennement le « Lac Bell », le « Grand Lac de Tousquet » des Français, le « Maogtogist » des Amérindiens (allant ensemble) ; (voir plus haut « Neoptogoiag. ») Ensuite, le Lac Vaughan, le « Lac Tousquet » des Français, le « Pengenopsgog » (ouverture du rocher) des Amérindiens, l’embouchure elle-même de la rivière était appelée « Gtjipanog » (Grande ouverture.)
Les Amérindiens ont déjà appelé Quinan d’un autre nom Micmac, que nous trouvons dans les registres d’église du Père Sigogne, « Machoudiak » « Macloudiak », Mactoudiak », signifiant « où ils se rencontrent. » Un autre nom qui est plus précis, était « Mawtookyak », écrit aussi Mawtookgak », qui est « un endroit où deux rivières se rencontrent. »
Si Quinan doit autant à la Rivière Tousquet, elle en doit autant aux Amérindiens. Ils ont laissé leurs marques partout, tomahawks, pointes de flèches, couteaux faits de pierre ou d’os, un cimetière aux environ de « Koucougoke » ou Blue Mountains, et particulièrement beaucoup de noms.
À Quinan Est, la route qui va vers Quinan Sud est appelée « le « Chemin Frotten. » Environ un mile et demi plus loin, le chemin bifurque (fourche) ; un vieil homme Vaçon a donné à cette partie du chemin le nom de « Pipe City » (Ville de Tuyaux), étant donné que chaque maison avait un tuyau au lieu d’une cheminée de brique ; et le nom est resté pour un bon nombre d’années.
À la bifurcation, la route sur la gauche mène aux Blue Mountains. Elle borde les rives ouest du lac anciennement appelé « Le lac Long* », maintenant le « Lac Kegeshook. » Pour les Amérindiens, par contre, il s’appelait « Gloisag » ou « Oinamgiag », ce dernier mot voulant dire, « endroit sableux difficile. » Le mot « Kegeshook » est l’orthographe trompeur du mot amérindien « Koucougoke » qui signifie la « Maison du Géant », le nom qu’ils ont donné aux Blue Mountains ; ça a déjà été un nom de famille parmi les Français. Ce chemin a été allongé quelques années auparavant sur un certain nombre de miles, à cause des feux de forêt. On dit que le « Lac Peter », qu’il longe, doit son nom à Pierre Léon Muise, fils de Léon, appelé « Gaspereau. » À quelques miles au nord, il y a le « Lac Nepsedec », du mot amérindien « Nepsigeseg », qui voudrait dire « plus haut. » À trois ou quatre miles à l’est du Lac Peter nous trouvons le « Lac Wallabe », ou « Wallabec », anciennement « Wallybeck » du mot amérindien « Oalopec », qui veut dire « dans la vallée » ; les collines ici ou « montagnes » atteignent 300 pieds de haut.
Le chemin qui, de la bifurcation s’en va tout droit, est connu comme celui de « Shenacadie », étant donné qu’il mène à un lac du même nom, qui signifie « un endroit de canneberge », du mot « sonegotis », le nom donné au lac par les Amérindiens, qui anciennement était appelé « Pointe Canneberge* » ou « Lac Canneberge*. » Les très vieilles cartes lui donnent le nom de « Rush » ; mais un auteur nous dit que le nom s’appliquait à un autre lac connu des Amérindiens comme « Negonigetjitjg. » Ce chemin, qui aujourd’hui s’enfonce à plusieurs miles à l’intérieur des terres, s’est déjà arrêté dans le passé à un endroit connu de chaque chasseur comme « La Roche à Viande », le même nom a été donné aussi au chemin même. Quelques-uns disent que ce nom vient du fait que les Amérindiens se cachaient devant cette roche pour les caribous, les orignaux et les cerfs qu’ils tuaient. Pour d’autres, les Amérindiens et même les Acadiens auraient découpé ici, sur cette pierre ou cette roche, leurs proies pour apporter les pièces à la maison ou les parts qu’ils se répartissaient entre eux.
En revenant sur la route principale, au centre du village de Quinan, suivons la Rivière Quinan en amont. À environ un mile, nous trouvons une petite rivière, appelée le « Ruisseau Mushpauk », qui se jète dans le « Lac Mushpauk », anciennement appelé « Mispouch », situé à trois miles et demi, d’un nom amérindien « Mespag », qui veut dire « débordement » ou, selon un auteur, « lièvres en abondance. »
À cinq miles et demi sur notre parcours, nous trouvons les très bien connus « Bad Falls », où il y a une mauvaise chute d’eau que les Amérindiens appelaient « Asgogmagaganel », aussi épelé « Assookeumokoknue », signifiant « endroit où traverser » ou « pont » qu’ils ont dû construire ici.
À un mile et demi plus loin, une digue ou « barrière » sur certaines cartes a été construite pour contenir les eaux de trois lacs qui se déchargent dans la Rivière Quinan. À l’est, il y a le « Lac Big Gull », le « Goloaogsitz » des Amérindiens, duquel est dérivé le mot « Koliaksee », un « phoque à capuchon. » Au sud-est est situé le « Lac Quinan », le « Lac Fork » de jadis ou, pour les Amérindiens, « Apgotapego » (un étang.) Il est doublé, avec « Le Lac Meadow » au nord, qui se jette au sud dans le « Lac Stony Creek », le « Giotapsiag » ou « rocher rond » des Amérindiens.
Le troisième lac, plutôt long et étroit, est appelé le « Lac Barren », anciennement le « Grand Lac Barren* » ou, pour les Amérindiens, « Panopag » (une ouverture), un mot Micmac ayant la même racine. Ici nous sommes au cœur du territoire Amérindien. Ont été trouvés ici tout autour plusieurs artefacts Amérindiens, plus spécialement des pointes de flèches, ce qui veut dire que c’était un excellent territoire de chasse. Les artefacts étaient beaucoup plus nombreux à l’ouest du « Lac Big Gull », à un endroit appelé par les Français « Le Gueguss », un nom d’origine inconnue ; dans celui-ci se jette l’eau venant d’un autre petit lac à l’ouest, le « Squambow », à « Martin’s Landing », où le « Big Gull » se jette dans le « Lac Barren. » Entre le Lac Barren et le Lac Quinan il y a une digue, au nord de laquelle il y a une langue de terre connue comme « Owl’s Head » (Tête de Hibou) que les Amérindiens appelaient « Pugooôpskook » pour «Gtjipanog » mentionné plus haut.
On m’a dit qu’il y a encore là deux pièges primitifs à gros gibiers. Ils sont constitués d’un gros trou creusé dans le sol, recouverts de branches. Un appât était accroché à une branche sur le dessus ; l’animal en sautant pour l’attraper, dans sa chute se retrouvait au fond du trou. J’ai personnellement vu un de ceux-ci dans le coin du Grand Lac de Pubnico, alors que j’allais cueillir des bleuets dans les années 1920, on m’a dit que c’était pour attraper des ours.
Nous éloignant quelque peu de Quinan proprement dit, je veux mentionner ici, à environ trois miles au sud du Lac Quinan, le « Lac Madashack », très bien connu des chasseurs, que les Amérindiens appelaient « Meteseg », signifiant « Mélangé », il est relié par une petite rivière au « Petit Madashack* », au nord du « Metesegtjitjg » des Amérindiens.
À trois miles à l’ouest de là, il y a le « Lac Nonia », appelé par les Amérindiens, au début, « Gaoapsgigetje », et par la suite le « Lac Nooney », un nom que l’on trouve sur les vieilles cartes. La tradition nous dit que Benoni d’Entremont de Pubnico est déjà venu chasser le caribou ici en compagnie des Amérindiens, qui l’appelaient « Nooney » au lieu de « Benoni. » Il semblerait que « Nonia » est dérivé de « Nooney », bien qu’un auteur nous dise que ça signifie, « tourner après le rocher. »
Entre le Lac Madashack et le Lac Quinan, il y a un petit lac que je veux mentionner ici, parce que c’est un des trois, dans la région, qui portent approximativement le même nom. Celui-ci s’est déjà appelé le « Lac Clearwater Anglais* », ensuite le « Lac Clearwater Sud », et maintenant simplement le « Lac Clearwater » (Lac à l’Eau Claire.) À environ vingt miles au ouest-nord-ouest, ( au sud de Bell Neck) il y a le « Lac Clearwater Ouest. » Ensuite, à Bell Neck même, au nord de la route principale, il y a ce que les vieilles cartes nous donnent comme le « Lac Clearwater », et aujourd’hui le « Lac Clearwater Français », appelé Oaspagtetig » par les Amérindiens, lequel mot a à peu près la même signification que « Oaspag » (brillant) mentionné plus haut. Je dois mentionner que dans le Comté de Digby, juste à la frontière du Comté de Yarmouth, il y a le « Lac Clearwater Est. »
Little Madashack communique par une petite rivière avec « Le Grand Lac de Pubnico », appelé, avec sa rivière, « Gsepemgeoei sipo aggospem » par les Amérindiens.
Je mentionne ici le fait que les Amérindiens de cet endroit et ceux de Quinan étaient constamment en communication. Du Lac Pubnico il y a une petite rivière allant vers le nord, de laquelle, après un court portage, on peut atteindre le Lac Barren, qui mène à la Rivière Quinan et à Quinan même.
Il y a plusieurs autres noms d’endroits dans le coin, mais ils sont trop nombreux pour être énumérés. Il y en a quelques-uns cependant, qui ont une certaine importance. Springhaven, par exemple, est vraiment une partie de Quinan ; elle était appelée au début « West Grant », et par la suite « Quinan Ouest », jusqu’à ce que les autorités changent son nom en dépit de la population. À son début, il y a une route en direction nord qui mène vers Canaan, et une autre en direction sud, la « Route Curry*, selon une pancarte ; qui mène à Haute Argyle.
Non loin d’ici, en allant vers Quinan, du côté droit de la route, il y a le « Lac à Pic » (Percipitous Lake), « un pic » signifie « perpendiculairement », mais on nous dit que « Pic » ou « Pick » est l’abréviation ou les initiales ou le surnom d’un Anglais. Il avait été appelé aussi « Lac à Dominique », parce que Dominique Muise, fils de Paul, a déjà habité juste au nord du lac.
En ce qui concerne les autres lacs, « Le Lac de l’École » (School Lake), était juste au nord de l’école, maintenant un centre de prières. Là où les routes Koucougoke et Shenacadie se rencontrent, il y a le « James Lake » (Lac James), pour Jacques Doucet Jr., appelé « Jim. » « Canoe Lake » (Lac au Canot), au nord de la Route Shenacadie, s’est déjà appelé le « Lac à Louis. » Le « Lac à Jérôme », à environ neuf miles en direction est-nord-est de la jonction de ces deux routes, fait probablement référence à Jérôme Doucet, fils de David, lui-même fils de Charles, appelé « Tania. » Encore plus à l’est, à cheval sur la ligne de division des comtés de Yarmouth et de Shelburne, il y a un lac dont le nom est vraiment difficile à prononcer, MICKCHICKCHAWAGATA ! Personne n’a jamais essayé, il semble, d’en connaître la signification.
Avec tout ce que je viens de vous dire, je ne vous ai pas encore dit d’où vient le nom de Quinan. Pour une raison ou une autre, les gens n’aimaient pas le nom FORKS. Alors en 1885 ils demandèrent à ce qu’il soit changé pour QUINAN, en mémoire du Père John L. Quinan, qui a servi la paroisse de 1860 à 1867.